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pierrot bisIMG 0028« Elle ne veut plus me voir parce que je suis parti avec une autre du jour au lendemain, sans trop me fouler sur les explications. On peut la comprendre, non ? Oui, je défends maman, tu vois, je suis un enfoiré, mais au fond j'ai du cœur.

Tu dois savoir que les papas sont souvent des polygames contrariés.

Le pire c'est que, dans la plupart des cas, ils aiment encore leur femme, ils n'en sont simplement plus amoureux. Il faut que tu piges cette nuance. Aimer sa femme, c'est lui vouloir du bien, quoi qu'il arrive. Être amoureux, c'est avoir envie de la baiser. C'est une autre histoire qui, en général, après dix ans de vie commune et deux enfants parle d'une autre femme. Tu comprends ?

Si les maris avaient le courage et les femmes l'intelligence d'accepter de vivre en garde alternée il n'y aurait plus jamais de divorce. Les gens se séparent parce qu'ils se voient tous les jours c'est-à-dire pas assez. Se voir, ce n'est pas se croiser. Se croiser c'est finir dans le fossé. Bien se voir, ça prend du temps. Quand on est dans le quotidien, on devient aveugle de l'autre, quand on a pris rendez-vous, l'autre nous éblouit.

Si la vie était bien faite, les papas auraient plusieurs femmes et les femmes plusieurs maris, mais en même temps.

Chacun, chacune, aurait sa spécialité : le bricolage, le ménage, la fête, la conversation, l'intime, les courses, les enfants, la baise.

Il n'y aurait plus de place pour les reproches, juste pour le bon sens du commun.

Trois femmes c'est le minimum dans la vie d'un papa, parce que les papas sont souvent des insatisfaits cliniques.

Ils ne savent pas se contenter d'une seule personne toute leur vie. Les papas devraient se taper le boulot, déménager une semaine sur deux. Quand ils reviendraient, il n'y aurait plus de problème, finis les soupirs à rallonge, vive le temps des retrouvailles, du glamour et des paillettes. Les papas aideraient les mamans, les mamans auraient envie de faire l'amour. Tout le monde serait heureux en famille, et ça éviterait aux enfants d'éponger.

Les papas n'auraient plus à être rattrapés un jour ou l'autre par leur vraie nature.

Ils ne suivraient plus la route de filles pas fiables parce que leurs femmes ont fini par faire partie des meubles.

Chérie, pourquoi les mamans finissent toujours pas ressembler à un lit mal fait ? Je sais que c'est affreux, mon petit chat.

Parfois les papas préfèrent acheter un nouveau téléphone portable, ça les occupe pas mal la technologie, et ça coûte moins cher au début qu'une pension alimentaire.

Mais rien n'y fait.

On peut s'acheter un nouveau portable et se donner l'illusion que la passion est toujours là, il n'y a rien à faire mon amour, un jour elle s'en va, elle se casse, elle nous laisse seul comme des rats. Les papas que la passion a abandonnés finissent pas devenir des chiens morts.

C'est pour ça qu'ils changent de femme sans faire exprès, demandent du feu par accident à une autre blonde en imper beige qui rentre de l'aéroport.

C'est pour ça, trésor, qu'ils la font rire un peu, se mettent à aimer ses grandes dents, essaient de savoir si elle a des gros seins sous son pull et n'hésitent pas à lui faire des promesses en l'air.

Et la blonde de son côté leur fait comprendre en passant sa langue par-dessus sa bouche entre deux bouffées de cigarette que, pour son quatre-heure, elle mangerait bien un papa idiot à la dérive.

Qu'elle ferait bien une bouchée d'un trafiquant d'âmes comme ton père qui cherche à exister un peu.

Le papa monogame est un polygame contrarié, c'est le meilleur, le plus fort pour renverser les rôles, il arrive sans difficulté à se convaincre que sa femme le dédaigne depuis qu'elle se paie le luxe de tout faire mieux que lui, tenir la maison, s'occuper des enfants, avoir un vrai travail.

Jalousie et lassitude sont les deux mamelles de l'infidélité et du suicide conjugal.

Bref, le papa idiot n'a aucun mal à s'autoriser à coucher avec la fille blonde qu'il ne connaît pas, et se dit en la regardant sourire nue sur son lit, les jambes grandes ouvertes, qu'il est en train de tomber amoureux pour faire son intéressant.

C'est qu'en plus de tout il cultive son côté fleur bleue. Le papa usé par la routine est un cœur d'artichaut, il est gnangnan et toujours d'une épouvantable sincérité.

Dans sa tête c'est souvent la première fois qu'il a une maîtresse, parce que tu comprends, toutes les autres qu'il a eues en dix ans de mariage, ça n'a jamais vraiment compté puisque ça n'a jamais vraiment duré.

Il aime bien cette idée, il adore se dire qu'il arrive vierge, que c'est la première fois qu'il apprécie de vivre en triangle, le beurre et l'argent du leurre, le confort et l'aventure. Le caleçon au bas des chaussettes à 18 heures, dans le bac à linge à 20 heures, et la levrette H 24.

Mais ce n'est pas à toi que je vais l'apprendre, la maîtresse a été inventée pour donner des leçons aux enfants, mais aussi aux papas qui fatalement finissent par s'en mordre les doigts.

Quand il a bien tout niqué, quitté sa femme, traumatisé ses gosses, déçu ses amis, perdu son boulot, enrichi son avocat, dévalisé une pharmacie et fait pousser sa barbe jusqu'au genoux, le papa monogame réalise que ça ne marche pas avec la nouvelle dame, car personne ne veut que ça marche au fond. Et il apprend à ses dépens qu'une fois qu'on a a changé de femme pour de bon, on ne peut plus faire marche arrière parce que les mamans c'est pas sous-garantie. Il est là le scandale !

Oui je sais, parfois les papas sont désespérants, mais finissent toujours désespérés, c'est mathématique. N'oublie jamais mon amour, les papas monogames à l'asphyxie ne sont pas les pires.

Les pires ce sont les pères de famille respectables et donneurs de leçon qui prennent le soin de fêter leur anniversaire de mariage avant d'enfiler sagement leur pyjama parce qu'ils sont trop lâches pour quitter leur femme qu'ils ne respectent plus depuis des années. Ils ont peur de perdre leur petit confort, la trouille que leur cœur se remette en marche. Ils ont les chocottes de finir seul et de devoir s'occuper de leurs enfants. Ce sont eux les vrais méchants. »

 

Un coup à prendre de Xavier de Moulins (Au Diable Vauvert)

Tag(s) : #Littérature
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