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On ne retient bien souvent qu'elles. Une paire de fesses dans l'ombre. Et quelle paire de fesses sur quelle musique en compagnie de quel homme ! Les fesses de Bardot. La musique de Delerue. Le charme de Piccoli. Cocktail détonnant signé Godard en 1963. Drame surgissant du berceau de la civilisation pour en traduire les déclins alors actuels, amoureux et culturels. Cinquante ans plus tard, Le Mépris de Jean-Luc Godard, cette oeuvre d'un « cinéma qui substitue à nos regards un monde qui s'accorde à nos désirs » surgit de nouveau sur les écrans des salles obscures pour un anniversaire et une restauration d'occasion. Le temps a enfermé Godard dans son mutisme, Bardot dans sa bêtise et Piccoli dans sa retraite. Heureusement ce salopard n’égratigne que rarement les films, et encore moins les chefs-d'oeuvres. Moins révolutionnaire qu'A Bout de Souffle, moins démiurge que Pierrot le Fou, Le Mépris est un constat quasi clinique de la vie occupant pourtant une place supérieure dans le cinéma de Godard. Adapté du roman éponyme de Roberto Moravia, publié en 1954, l’œuvre cinématographique et sa complice littéraire racontent la déliquescence d'un amour et méditent en cœur sur l'art et ses « conditions d’impossibilité » à l'époque moderne. Un Pierrot le Fou avant l'heure contant la mort annoncée du couple – en filigrane les Godariens dans l'âme y verront toujours la déliquescence du couple Karina-Godard – et l’aliénation à la société de consommation.

Le Mépris : 149 plans pour dire il n'y a qu'à vivre et filmer

Le Mépris c'est Paul, écrivain, marié à Camille, beauté solaire. Paul c'est Piccoli analysant les moindres attitudes de sa Camille, la Bardot. Soudainement, la femme va mépriser son mari, sans jamais justifier ce geste. Au centre de ce mépris, il y a le cinéma autour duquel Paul va tournicoter, se corrompre. Trahison impardonnable ? « Le mépris que l'héroïne a pour son mari va au-delà de cet homme, mais elle ne le sait pas : elle le méprise parce qu'elle le voit sombrer irrémédiablement dans une société où tout se vend, tout s'achète » se justifie l'auteur Moravia. « Le Mépris est un film simple et sans mystère, film aristotélicien, débarrassé des apparences » se justifie le cinéaste Godard. Dans ce drame au soleil, cette tragédie physique, Godard contemple l'impossibilité du couple et de ce cœur sans cesse enclin à s'assombrir, à basculer dans le désamour. Derrière la paire de fesses la plus tonitruante de 1963 se cache ce cœur soumis au désamour. Camille énigmatique, Bardot déesse vivante fonctionnent par instinct quand Piccoli – double non-dit du Godard d'alors – calcule et corrompt son art dans des temps modernes. Piccoli sera la vraie victime du drame. Perdant au passage sa femme et son intégrité. Le lent travelling du générique du Mépris est une affaire de morale, le cinéma de Godard est une affaire de morale, il n'utilise pas le cinéma pour expliquer mais pour donner à voir une réalité insondable. Instinctive. « Le Mépris prouve en 149 plans que, dans le cinéma comme dans la vie, il n'y a rien de secret, rien à élucider, il n'y a qu'à vivre et à filmer ». Cinquante ans plus tard rien a été élucidé mais Le Mépris continue à vivre. Et on se précipite dans cette tragique histoire d'amour dans un décor merveilleux.

Le Mépris Bande-annonce

Tag(s) : #Cinéma, #Godard, #Bardot, #Piccoli, #Le Mépris
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