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WeWantSexEquality1Seuls les anglais possèdent la recette divine des comédies sociales. Depuis une dizaine d'années maintenant, ils nous proposent, à nous pauvres français, des comédies rafraîchissantes au contenu ô combien d'actualité. We Want sex equality appartient à cette veine merveilleuse du cinéma dit social, construit sur l'énergie incroyable de ses protagonistes et l'humour implacable de son scénario comme rempart ultime à la médiocre réalité. Comme dans The Full Monty ou l'inoubliable Billy Elliot, ce film signé Nigel Cole a le don de vous filer une force intérieure puissante et soudaine, prête à tout casser. Une force décuplée qui permet de croire aux combats d'hier et d'aujourd'hui, utiles et importants pour lutter contre les injustices de toujours.

 

Une armée de grévistes en jupon

 

We want sex equality relate un fait réel, aussi beau que rageant, au royaume de sa chère Majesté. Épisode social méconnu survenu en juin 1968, année sexiste, où 183 ouvrières de l'usine Ford de Dagenham se sont mises en grève pour obtenir l'égalité des salaires hommes-femmes. Suffragettes modernes ? Non, simplement femmes de leur temps, épuisées par des tâches pénibles, aussi bien au travail qu'au domicile conjugal. Des femmes soudainement curieuses de comprendre pourquoi un homme et une femme n'auraient-ils pas ni les mêmes droits, ni les mêmes salaires. Ces femmes à la triple identité, à la fois épouse, ouvrière et mère de famille, se voient soudainement devenir des symboles de féminisme par leur lutte sans merci pour obtenir un salaire équivalent à celui de leurs camarades hommes mais surtout un once de dignité vis-à-vis de la somme de travail qu'elles fournissent à la nation, à Ford et à leur famille.

 

Les journalistes de l'époque les surnommeront la « petticoat army », l'armée des jupons. Cette armée moderne bloquera l'usine, mettant à mal le travail des hommes. Elles manifesteront le cœur enjoué dans les artères de la capitale , collectionneront quelques regards et coups de klaxon de mâles, plus en accord avec leur physique que leur noble lutte. Devant le Parlement, les grévistes en jupon déploieront cette banderole mythique auquel le film doit son nom. Mais le filles, de manière malencontreuse ne laisseront apparaître que le mythique « we want sex » ! Le film se veut à cette image : habité par la fulgurance de scènes qui en disent long sur le sujet, entremêlant à la perfection la dose d'humour et celle de l'émotion d'une réalité dépourvue de tout sourires. L'inégalité, l'injustice se logent au sein même de la relation homme-femme que cela soit dans la sphère professionnelle ou privé. Plus les filles entrent dans la danse exténuante de la lutte plus les collègues mâles, les syndicalistes mâles et leurs maris les lâchent, ne prenant jamais en compte leur nécessité d'émancipation et leur besoin d'égalité dans ce XX eme siècle où il est temps de se réveiller de cette léthargie maladive.


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Féminité et féminisme à la mode des sixties

 

Dans cette fresque sociale tragicomique, les hommes passent au second plan. Ils ont trop longtemps tiré la couverture à eux, il est temps de faire place à ces filles, ces petites mains travaillant au revêtement des sièges Ford, ces bonnes fées du logis et de l'éducation des bambins. We Want sex equality n'est pas un film de filles, une diatribe violente contre la main mâle qui gouverne les esprits de tous siècles. Non. C'est un instant cinématographique amusant s'arrêtant sur une grève mythique et sur des femmes anodines devenues le temps d'un combat social des héroïnes. À leur tête, inévitablement, une leadeuse rayonnante incarnée par le minois inoubliable de Be Happy de Mike Leigh : Sally Hawkins. La pétillante brunette incarne Rita O'Grady, simple ouvrière et mère de famille qui devient au fil des jours de grève la reine de la lutte se découvrant au fil des humiliations l'âme d'une combattante. Le reste de sa troupe, de sa belle équipe de camarades grévistes, est peuplée de femmes, légèrement stéréotypées, mais toujours attachantes. Une beauté du diable pratiquant sexe et grève, une bimbo désireuse de devenir star s'offrant un flirt avec l'ennemi du patronnat, une humble épouse dévouée... Dans chacune d'entre elles, il n'est pas difficile de retrouver l'âme d'une fille d'aujourd'hui. Et c'est là même la réussite de ce film féminin et féministe, loin de toute morale insupportable, cherchant juste à rappeler à nos mémoires, par sa vitalité, l'importance de la connaissance des combats d'antan afin de ne jamais cesser d'avancer aujourd'hui.

 

We want sex equality se range dans la case comédie certes. Ses couleurs, ses décors frôlent les réclames pétillantes dont raffolaient jadis les magazines féminins des années 60. À certains passages, on couperait le son et s'imaginerait dans Hairspray (le vrai, le meilleur de John Waters) : eye-liner à tomber à la renverse, coiffures choucroute subjuguantes, robes à la sixties, mini jupes annonçant la libération sexuelle. Tout ce tapage visuelle nous charme aussi vite qu'une ritournelle sixties des Beatles. L'image claque, la musique de David Arnold excelle et le propos arrive enfin à surpasser la forme. Ainsi malgré quelques passages mièvres (une fille ça pleure inévitablement pendant ses discours sur l'égalité homme-femme que voulez-vous !), le film de Nigel Cole livre, en toute discrétion une leçon d'histoire et, pourquoi pas, de conduite.

 

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Rita, la guerrière en jupon, s'avère au départ inexpérimentée, presque timide, face à ses patrons. Mais lorsqu'elle entre en lutte, que sa conscience se réveille face à l'injustice salariale, elle découvre que l'injustice est le lot quotidien de son sexe. We want sex equality a le don d'aborder, tout en douceur, des questions complexes, passionnantes, qui ont le mérite de se poser à tous les temps. À certains endroits, le rire souhaité par le scénario laisse place à la larme de scènes à la justesse incroyable : une femme éduquée qu'un mari-patron sexiste a transformée en femme au foyer « demeurée », une mère qu'un professeur renvoie par pur mépris de son sexe et de sa classe sociale, puis cette dispute aussi déchirante que pertinente entre Rita et son mari traduisant cette incompréhension fatale entre la femme et le mari, l'épouse et l'homme. Rita devrait être satisfaite de son existence selon son mari, travailleur lui aussi à Ford, car il ne la bat pas, ne la trompe pas, ne l'humilie pas. L'épouse comblée devrait être satisfaite de ce ô combien merveilleux mari : un frigidaire, deux gosses et le bonheur est à portée de main forcément ! Sauf que le bonheur de Rita ne dépend pas de ce mari qui « par chance » ne la trompe pas et lui offre ce dont la ménagère type rêve. Le bonheur de Rita dépend de cette justice qu'elle recherche par son combat. Comme toutes les femmes de l'image ou de la salle de cinéma, elle prend conscience à cet instant-là que le sexisme est double, volontaire et parfois involontaire, il a la particularité infâme de gangréner tout ce qu'il touche : sphères privée, professionnelle et politique. Il est le mal qui ronge l'usine Ford, comme le couple, ou la vie politique. Mais nos héroïnes du quotidien, par cette fresque colorée, engagée, souvent hilarante parfois émouvante, anéantissent le mal.

 

Inévitablement la comédie sociale british a son happy end, un happy end réaliste puisque dans la vraie histoire aussi, ces dames de conviction finiront par rencontrer la ministre de l'Emploi de l'époque, Barbara Castle, qui, fidèle à la cause des ouvrières de Ford, lancera la loi, votée en 1970, sur l'égalité des salaires hommes-femmes. Ce happy end teintée de couleurs sixties, de témoignages des vraies ouvrières et des sourires revigorants des interprètes fait plaisir à contempler car il recharge les batteries de tous ceux et celles qui n'y croient plus dans le monde actuel. Il a le mérite d'exister, de dire aux femmes d'aujourd'hui qu'il est toujours possible, en jupon ou en pantalon, de faire entendre la voix de la justice. We want sex equality réveille les élans féminins et les consciences féministes, et c'est assez rare au cinéma. La rareté mérite donc d'être contemplée par le plus grand nombre !  


 

Bande-annonce We Want sex equality
Tag(s) : #Cinéma
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