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Lorsque Bunuel pose son regard acerbe sur la société française de l'avant-guerre cela donne une critique sans complaisance de la bourgeoisie et du fascisme. Le Journal d'une femme de chambre agit comme une œuvre politique et sociale. En adaptant, l'œuvre d'Octave Mirbeau, Bunuel confie la parole à une servante, Célestine, une femme subversive à la lucidité extrême qui va faire tourner la tête à bien des hommes. Rôle endossé par la charismatique Jeanne Moreau qui va s'attacher à observer le monde qui l'entoure. Une observation qui la mène peu à peu vers une "nausée existentielle". Bunuel filme avec habilité l'âme humaine dans ce qu'elle a de plus écœurant: un vieillard fétichiste, un homme trompant sa femme avec les domestiques, un jardinier antisémite et violeur, une population hypocrite et mesquine...




Chaque classe sociale est décortiquée par le réalisateur. Certes, dans l'œuvre de Bunuel, l'horreur de la bourgeoisie demeure un motif récurrent (Belle de jour). Toutefois, ici, c'est la société dans sa totalité qui se contemple comme horrible. La domestique qui occulte attentivement les moindres gestes de la bourgeoisie ne vaut pas mieux qu'elle. Bourgeois, paysans, domestiques, curés se retrouvent tous  placés de manière égale chez Bunel. Dès la première scène (les splendides jambes de Jeanne Moreau qui affichent un bas décousu)!, on se laisse imaginer que la domestique va se révolter contre l'ordre pré-établi. Hélas, non, l'oppressé devient oppresseur...

La grandeur de ce film réside certainement dans son aptitude à plonger au plus profond de la noirceur de l'âme humaine. Immonde, vicieux, chaque protagoniste détient une part d'ombre. Le Journal d'une femme de chambre séduit par sa capacité à faire naître une atmosphère nauséabonde. "Fais attention au méchant loup" sermonne le jardinier à la petite Claire, qui ramasse des escargots dans la forêt, quelques paroles  qui suffisent pour deviner la suite. Gros plan sur des jambes écartés avec du sang entre les cuisses, et les escargots se baladant sur celles ci. Ecoeurant. "A bat les métèques!" hurlent des hommes en costumes noirs sur les quais de Cherbourg dans la séquence finale. Abominable. Les images de Bunuel ont la même force que les mots de Céline: ils mettent en évidence la pourriture, les travers de l'âme humaine. La condition humaine se révèle alors à nous comme tragique...

Tag(s) : #Cinéma
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