Entendre le « People have the power » de Patti Smith à la Fête de l'Huma

Quand j'étais petite, la dame m'effrayait. Maman disait qu'elle ressemblait à un homme et papa la chérissait comme toutes les icônes rock de cette époque. Le genre d'icônes que toi, pauvre gosse née dans les années 80, tu as peu de chance de croiser un jour dans ta sale vie. Je ne ressasserai pas une nouvelle fois ici mon inélégante rage à ne pas être née plus tôt au bon vieux temps du  rock'n'roll, à l'époque où la vie valait la peine d'être vécue. Hier soir, la vie valait son pesant d'or quand le destin en a décidé autrement pour toi. Petite offrande du temps. Petit retour dans le temps pour rencontrer une grande dame. Une foule monstrueuse l'attendait. Elle, l'icône du rock, qui avant d'en devenir une chérissait les autres plus que tout, les Jim, Janis, Jimi and co. Une poétesse en quête d'absolu depuis l'adolescence, une vétérante des seventies, du Chelsea Hotel et de la vie d'artiste. Hier soir, à La Courneuve, devant une foule de cocos ou non, de jeunes admiratifs et quinquas nostalgiques de ce temps où on pouvait encore changer le monde, Patti Smith est venu apporter une once d'humanité. Partager son doux rêve de « people rule ».

Elle disait qu'elle ne pouvait pas dire non à une fête qui s'appelait l'Humanité. Aussi quand le public de la Fête de l'Huma l'a accueillie dans la pénombre on a pu discerner son émotion. Ils étaient nombreux a n'avoir pu refuser l'invitation. A être venue pour elle. Pour ce temps si précieux et ces engagements qu'elle représentait. Beau concept qu'une fête qui mélange musique et débat politique , pensait-elle. C'est ce qu'elle fit tout au long de ses 40 ans de carrière, pensait le public. Elle ressemblait aux images qui nous avait bercées. Grande dame svelte aux cheveux grisonnants et longs. Grigri fétiches greffés autour du cou. Veste noir et chemise blanche. Comme dans Just Kids. Enfants et parents l'attendaient. Il n'y avait pas d'âge pour écouter Patti Smith. Pour s'éprendre de la beauté bizarre de son chant. Pour rester subjuguer par l'élégance de sa silhouette de beatnik dans un monde qui n'en voulait plus.

Elle qui aimait tant  Morrison possède le même magnétisme que le Lizard King. Embarque une foule entière par son chant aux airs incantatoires et magiques. Fait s'allumer les briquets et brandir les recueils de poésie. Sur la grande scène de l'Huma, Patti Smith convaincu son monde qu'il pouvait être meilleur. Que seules valent la liberté et l'égalité, valeurs phares de la fête de l'Huma. Il y a chez la songwritteuse américaine quelque chose d'infiniment communiste. Ce sens de la communion aussi bien avec les musiciens que le public. Cet amour exigeant et éternel du prochain. De Robert Mapplethorpe à Maria Schneider, du public aux musiciens. Cet amour pour le peuple. Car il fallait qu'elle le chante son rêve. La foule n'attendait que ça. Sa voix surpuissante enchaînait les beaux textes de Because The Night, Free Money, Gloria, Banga, Maria. Son répertoire brassait folk, rock, punk et poésie et tout ça ensemble te filait des frissons, car ça appartenait à l'humanité. À toutes les époques que sa plume côtoya. Impressionnante la dame de 66 ans qui enfant m'effrayait. Qui aujourd'hui me rassure. Tout avait été dit, chanté, partagé avec une force, que jamais grande sceptique que je suis, je n'aurai imaginé possible. Tout ? Non, il manquait une chanson. Le public voulait le pouvoir juste le temps de cette chanson. La voix éraillée, les poings vengeurs et la puissance d'une assemblée acquise à cette cause qui est la sienne depuis tant d'années. Le « People have the power » de Patti Smith à la Fête de l'Huma, une vraie offrande du temps pour avoir un peu plus confiance en lui.

The power to dream, to rule
To wrestle the world from fools
It's decreed the people rule
It's decreed the people rule
LISTEN
I believe everything we dream
Can come to pass through our union
We can turn the world around
We can turn the earth's revolution
We have the power
People have the power...