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Il y a quelques années, au détour d'une nuit, la radio a mis dans mon oreille ce tube qui sentait bon l'esprit yéyé qu'on aime tant. Dans cette rencontre (en)chantée, un garçon disait à une fille « tu veux un cachou ? » et la fille, que notre rêverie solitaire imaginait d'emblée en mini jupe période Swinging London, répondait par un exquis « non merci, je ne suis pas très drogue ». Ce souvenir (que tu peux découvrir ici et consommer sans modération), c'est ma définition de la bonne chanson. La seule, l'unique, celle qui imprime à jamais ton épiderme dès la première écoute. Un souvenir d'une première fois, comme une première nuit d'amour avec le sexe opposé. Un truc qui colle encore au coeur et au corps.. Derrière ce tube à deux voix et deux sexes, il y a un couple à la scène comme à la vie. Lionel et Marie Liminana de Perpignan et ça donne inévitablement : The Liminanas. Surprenant duo à la quarantaine passée, une vie sage comme une image de saltimbanques. Lui a été – entre autres - disquaire – ceci explique cela. Ensemble, ils font de la musique comme beaucoup en fond depuis toujours : dans l'ombre des grands avec plus de passion qu'un sens avisé pour le tiroir-caisse. Mais ces deux-là ont tout pour dévaliser la banque, notre cœur et notre énergie. Ils ont tout d'un autre temps, tu vois la taille de l'argument chez une nostalgique comme moi ? C'est simple, ils brassent tout ce que le passé hexagonal et outre-Atlantique a de bon. Une idée en vrac ? Serge Gainsbourg et ses textes coquins, le Velvet Underground et son sens du chaos lumineux, 007 et son élégance légendaire ou Amicalement Vôtre et son sens de l'humour, Enrico Morricone et son art de planter le décor. Si, j'étais vraiment honnête, j'irais droit au but et je te dirais que ce couple là a tout ce qui me fait préférer le passé au présent : l'élégance de la nonchalance, un art de vivre entre vitesse et ivresse, actuellement en voie de disparition.

Oui, merci je suis très Liminanas

Les deux amoureux des sweet sixties ont pris leur temps avant de sortir ce nouvel opus, au titre qui donne envie de jouer les conquistador de l'amor : « Malamore ». Pour ceux qui ne maîtrisent hélas pas cette merveilleuse langue de la séduction qu'est l'italien, comprenez : amour contrarié. Si notre duo file le parfait amour, ils content ici en cœur avec un sens exquis de la narration une série d'amours contrariés, tous plus sexy les uns que les autres. C'est là où la tache se complique. Pour t'expliquer comment The Liminanas tourne autour de ton âme, avant de l'enflammer, il faut un minimum de culture sixties. Car en pénétrant dans ce monde rêvé c'est un flot d'images pompées à l'imaginaire collectif qui abondent. Attention là, où certains artistes vous prennent la tête avec des références à chaque vers, The Liminanas joue la carte de la subtilité. Sa méthode consiste à planter un décor, une atmosphère typiquement inspirée de ces années-là. Exemple : « un soleil à tomber par terre, brûlant » tu contemples d'emblée, dès la seconde piste. Une carte postale dessinée par la voix nonchalante de Lionel qui pratique, façon Gainsbourg, un exquis chanter-parler ultra détaché. Dans sa bouche « des filles ondulent » pendant que les instruments, un par un, gagne du terrain. Malin, la technique de drague consiste à amplifier les couches d'instruments afin que l'on finisse complètement encerclé de sons qui fleurent bon la révolution : fuzz de guitare, batterie, tambourin, piano.... Le cocktail est détonnant imbibé d'images ou de sons propres à une décennie mythifiée à juste titre avec le temps. Un thème de John Barry où l'agent secret le plus sexy siroterait un whisky, une scène de The Persuaders où Danny et Bret débarqueraient dans une fête où les filles se secoueraient de la tête au pied, un Paris publicitaire où on chercherait l'amour dans chaque visage de pubs placardées sur les murs de la ville comme dans le bien trop rare Anna de Pierre Koralnik.... Ma mémoire visuelle voit tous ces classiques de la pop culture sixties - dans ses grandes largesses, il faut le préciser - défiler quand j'écoute ce nouvel opus de The Liminanas. En les écoutant, j'arrive même à imaginer, que dis-je, entendre un dialogue d'hommes « mal lunés » à la sauce Audiard (« Kostas ») sur une bande-originale composée par Enrico Morriconne (la balade instrumental « El Sordo »). The Liminanas n'a pas peur du grand écart tant que ce dernier est chargé d'une esthétique magnétique. En anglais ou en français dans le texte, proche d'un son chaotique et lumineux comme celui du Velvet (« The Dead are Walking » ) ou flirtant avec la musique dépaysante d'un western spaghetti, le duo du sud-ouest n'a pas une terre d'accueil mais un monde tout entier où il fait bon débarquer, s'installer et vivre à l'abri d'une réalité confondante de banalités sans saveur. Dans ce monde, où tout n'est qu'affaire d'élégance un brin dandy, les filles portent des mini jupes sans se faire emmerder, les courses se font chez Prisunic, la route se fait en Van à plusieurs et l'amour aussi certainement, la mer d'un bleu turquoise est un personnage récurrent qui pousse les filles à se dénuder et les routes sont sans fin. Cet album est un décor de cinéma, un décor très Nouvelle Vague où tout serait filmé en extérieur, en vrai. « Nothing is real » entonne la divine créature de « Garden of love », premier tube du couple étonnamment dans un anglais très posé. The Liminanas prouve que tout est vrai pour qui sait mettre l'imagination au pouvoir. Leur pays si merveilleux, repéré de très loin par d'excellents labels américains puis par Because Music en France, aurait pu perdre de son incroyable prestance singulière dans une scène française parfois un brin aseptisée. "Malamore" et ses amours contrariés prouvent que non seulement, il est possible de garder sa vertu mais surtout que le temps ne presse pas pour quiconque dans la vie, la carrière méritée peut très bien débarquer après 40 ans.

>> Malamore par The Liminanas chez Because Music

Tag(s) : #Musique, #The Liminanas, #Malamore, #Because Music, #sixties, #Velvet Underground
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