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"Il était près de huit heures. Sur les quais situés en contrebas du pont de Neuilly, deux immenses colonnes formées par les habitants des bidonvilles de Nanterre, Argenteuil, Bezons, Courbevoie, se mirent en mouvement. Des responsables du FLN, les encadraient et canalisaient les groupes qui ne cessaient de se joindre à eux. Ils étaient au moins six mille ; les quatre voies du pont ne semblaient pas assez larges pour assurer l'écoulement du cortège. Ils dépassèrent la pointe de l'Ile de Puteaux, sous leurs pieds, et pénètrent dans Neuilly. Pas un ne portrait d'arme, le moindre couteau, la plus petite pierre dans la poche. Kémal et ses hommes contrôlaient les individus suspects ; ils avaient expulsé une demi-douzaine de gars qui rêvaient d'en découdre. Le but de la démonstration était chair : obtenir la levée du couvre-feu imposé depuis une semaine aux seuls français musulmans et du même coup prouver la représentativité du FLN en métropole.

 

La voie était libre, ils purent distinguer au loin, l'Arc de Triomphe illuminé à l'occasion de la visite officielle du Shah d'Iran et de Farah Dibah. Comme à leur habitude, les femmes prirent la tête. On voyait même des landaus entourés d'enfants. Qui pouvait se douter que trois cent mètres plus bas, masqués par la nuit, les attendait une escouade de Gendarmes Mobiles épaulée par une centaine de Harkis. A cinquante mètres, sans sommations, les mitraillettes lâchèrent leur pluie de balles. Omar, un jeune garçon de quinze ans, tomba le premier. La fusillade se poursuivit trois quart d'heure."

 

Meurtres pour mémoire de Didier Daeninckx

Dix-sept octobre 1961
Tag(s) : #Littérature
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